Il était six heures du matin, les rues de Bolbec étaient sombres et glaciales. Un groupe d'hommes par encore mobilisés était parti travailler sur des péniches appontées sur la berge de la Seine. Il s'agissait de transporter tout au long de la journée des munitions ainsi que des armes qui allaient servir au front. Ces manœuvres avançaient, les poches remplies de morceaux de pain. Ils travaillaient en peinant, l'air fatigué. Ils avaient tous le teint pâle et les yeux cernés. Leurs vêtements étaient sales et déchirés, sûrement à cause de longues journées de travail et des conditions très pénibles dans lesquelles ils s'échinaient durant des heures interminables sous la surveillance du contremaître.
Un pêcheur attendait depuis une bonne heure qu'un poisson morde au bout de sa ligne. Il se disait que s'il ne prenait rien c'était à cause de l'usine de Port-Jérôme qui, depuis des semaines pour préparer la guerre, tournait à plein régime, déversant des cochonneries de produits chimiques dans la Seine.
- Dire que c'est moi qui ai appris à pêcher au petit Alexandre ! se dit-il.

Alexandre était devenu cet homme d'une cinquantaine d'années petit mais costaud qui dirigeait l'usine d'armement. Ses cheveux brun foncé couverts de gomina, son épaisse moustache et ses yeux bleus acier lui donnaient une autorité qu'aucun ouvrier n'aurait jamais osé contester. Depuis quelques années, le patron de l'usine était alcoolique et personne ne voyait plus sa silhouette redoutée hanter les ateliers et les entrepôts. Une autre poigne de fer avait pris le relais à la tête de l'entreprise, celle de Bernard Gaget, le contremaître principal. Ce dernier comme son patron n'avait pas été mobilisé, l'administration centrale du Ministère de la Guerre avait jugé qu'ils étaient plus utiles à la nation en conservant leurs fonctions.

 Une terrible guerre de mouvements et de grandes batailles avait commencé depuis de longues semaines maintenant, et après les troupes s'immobilisèrent puis s'enfoncèrent dans la boue des tranchées.

 

C'est la guerre !
Rue de la République...
Pendant ce temps, à Goderville...
  
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