Projet culturel et social en partenariat avec l'Espace 19 Riquet, Centre Social et Culturel
PASSAGES EN SEINE Quartier Riquet-Flandre, PARIS XIX°
Patricia Baud photographe et Alain Bellet écrivain  

 
 
 
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Le public bouillonnant de vie et de vitalité de l'Espace Riquet est à l'image du quartier, composite, coloré, souvent dynamique. De nombreuses jeunes femmes venues du monde entier s'investissent dans l'apprentissage de la langue française au sein des ateliers sociolingustiques. La France dans son ensemble reste difficile a appréhender, ses coutumes, ses cultures, son organisation sociale et politique. Davantage maîtriser son quotidien, connaître son quartier et par-delà sa ville Paris, demeurent des objectgifs forts.
Les actions proposées par "Passages en Seine" tentaient de permettre des passages à l'acte créatif dont les vecteurs principaux d'implication furent la curiosité et la découverte, avec les mots, la langue, les images aussi. Des productions artistiques collectives conduites par des artistes professionnels ont visé à une meilleure compréhension de la complexité du monde en utilisant l'Histoire, la mémoire collective et la découverte sensible et physique de son quartier intime et de la ville et ses lieux symboliques comme outil fédérateur et interrogateur du réel.
 
De jeunes retraités ont choisi les "balades contées" dans les lieux historiques de la ville pour mieux s'approprier leur ville, revisiter son histoire, s'émouvoir pafois de son architecture. Du Moyen-âge au XX° siècle, les rues de la grande cité les ont joliment bercés sur des parcours retrouvés ou découverts. Parfois, des visites culturelles ou artistiques ont permis d'investir le champ des créations contemporaines et de s'accorder un temps de réflexions, de pauses, d'écriture collective aussi.
 

La découverte du quartier : le bassin de la Villette au XIX° siècle

La Rotonde dite de Stalingrad, ancien poste de douane du mur
des Fermiers Généraux construit en 1786 par Nicolas Ledoux
 "Le mur murant Paris, rend Paris murmurant..."
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De la silhouette à l'acteur, de et dans son quartier : " Être et Paraître "
 
La photographie a pour objet d'être vu par tous et d'accepter d'être vu, de voir… Le travail sur l'image de soi dans son environnement a donné une visibilité réelle et assumée des participants : présent soi-même dans le cadrage en prenant conscience du hors champ de l'autre, permise aussi par la prise de paroles. L'ensemble a permis la prise de conscience de Soi dans son environnement, de sa culture, de ses propres références, posant une sorte de Je dans son quartier. Par l'implication personnelle et dynamique des participants, ce travail vise à Passer acteur, et non consom-mateur, sollicitant d'autres personnes à prendre le relais. Ce passage à l'acte pour un moment déterminé est un apprentissage artistique (langage, écrits, photographiques, oralité contée) et aussi une construction pour être soi-même instruit de sa propre culture et pour mieux appréhender celle des autres. Passage en quelque sorte d'un Centre vers la périphérie d'autrui, pour que la périphérie puisse revenir vers ce centre. Une réflexion a été conduite en confrontation avec les photographies de reportages des différents territoires de ce quartier, suivie d'un temps de création artistique de photographies mises en scène, légendées.
 
" Je " devient autre : " Mise en Seine "
 

Les artistes ont proposé des moyens et des outils pour s'approprier la culture mémorielle du centre de sa ville, diverses cultures d'origine et celles nées d'un vécu en France, visant l'apprentissage pour soi et la présentation aux autres. Devenant acteurs de leur propre culture, ces nouveaux acteurs culturels revisitent la culture du Centre en quittant leur propre territoire (centre-ville, culture dominante, patrimoine historique, littéraire et artistique…) dans une démarche d'apprentissages induits et réciproques.

Lieux arpentés, pour s'approprier la culture mémorielle du centre de sa ville (Courants artistiques et représentations, architecture & histoire)
- Le médiéval et l'art gothique (île de la Cité et pourtour)
- De la Renaissance à l'Âge Classique (Le Louvre)
- Des travaux d'Haussmann à aujourd'hui (Opéra, grands boulevards…)
-Arts et artistes àMontmartre
- Nouvelles représentations, nouvelle ville (Bercy, Grande Bibliothèque nationale…, Le Frigo, Cinémathèque…)
 
L'image et le texte, conçus en allers et retours dialectiques, permettent de donner chair dans un geste fort d'incarnation, partant des corps et du paysage urbain comme véhicules de soi. L'intégration de la ville et de ses quartiers historiques et symboliques, l'intégration des sorties culturelles et de leurs apports (théâtre, arts plastiques, cinéma…) alimenteront l'espace conceptuel de ce travail.
 
Les ateliers ont eu lieu dans le cadre des ateliers sociolinguistiques avec des personnes en seconde et troisième année d'apprentissage. Une dizaine de participants ont suivi les propositions régulièrement. Une présentation générale a situé l'écriture romanesque et ses différentes composantes :
Le réel ou la réalité, le documentaire et la documentation, l'invention ou ce qui vient de l'imaginaire, le vécu et les expériences de l'auteur, les idées et le regard sur le monde de l'auteur, le travail de l'établi de l'écriture (choix du temps du récit, choix de la structure narrative…)
L'écrit pour dire, se dire, penser, agir, décrire, regarder, ressentir, sentir…
Une nécessité est apparue rapidement :
- Proposer des apports théoriques généraux sur la structure de la langue, les synonymes, la qualification des idées, des pensées, des descriptions.
- Présenter la construction narrative d'un texte, les choix possibles de " voix différentes " selon le narrateur choisi, l'éclairage sélectionné, comme une focale d'appareil photographique. L'ensemble ayant pour objet d'aborder l'écriture-plaisir, le ludique dans l'expression.
- Aborder la langue comme un lieu d'éclosion des imaginaires.
 
Globalement dans les ateliers, la langue française n'est maîtrisée que dans sa première fonction, courante, cursive, pratico-pratique, pour se situer, faite d'expressions et de repères, et non comme " véhicule " de pensées, d'échappées, d'évasion, de compréhension, de réflexions.
Jouer avec les mots est un apprentissage mais aussi une découverte déconcertante, facteur de liberté et d'intégration. Le langage comme regard, les mots comme des caméras changeant de focale…
 
Après une première rencontre d'échanges et de propositions avec le groupe Arts Plastiques comptant six femmes de différentes nationalités,
il a été proposé lors de notre seconde rencontre de se présenter d'une manière imagée sous la forme d'Abécédaire, figurer son nom, prénom, et trouver une signature figurative très personnelle, pour tisser des liens entre la figuration et la langue.
Lors des rencontres suivantes, nous avons abordé le thème de la représentation de Soi ou d'un autre. Création de séries de portraits, en s'inspirant du travail de certains photographes portraitistes, ou partant de réflexions esthétiques personnelles.
Puis, une série de reportages ont été effectués d'abord au sein du Centre Riquet, puis dans le quartier Flandres. L'animation des rues, celle des lieux culturels, la redécouverte de sa rue, de son lieu d'habitation… Plusieurs apports théoriques et techniques ont introduit et rythmé ces séances.
Ensuite, nous avons fait voyager des objets (sculptures, etc…) sur/dans des œuvres plastiques créées l'année précédente par des participants,
ou chacun choisissait des images dans des magazines. Cet assemblage constituait une création photographique, un nouvel objet-image à revisiter, à commenter. Une manière de revisiter le temps, les civilisations, les rêves

Enfin, nous avons abordé un travail de mise en scène projective avec des poupées Barbie achetées à la braderie du quartier Riquet, mises en scène d'un sujet sensible : la place et la représentation, le rôle et les difficultés des femmes.
Les exercices proposés se sont déroulés sur une ou plusieurs séances. Au début de chacune d'elles, nous avons pris un temps pour commenter le travail précédent.
Les arts plastiques et la création photographique intimident celles et ceux qui n'en n'ont jamais fait l'usage. Toutes les personnes n'étaient pas toujours au rendez-vous, mais quand les peurs ou les refus se dissipaient, le plaisir et les idées arrivaient avec jubilation et grande implication.