La Galerie des glaces /Photos/texte Nöella Redais





Perchée sur le carrousel des Mondes Marins à vingt-cinq mètres de hauteur, je jubilais, surplombant l'île mystérieuse.
Quelle zone d'embarquement choisir ? Celles des fonds marins ?
Ah non, aujourd'hui elle est privatisée !


Devinez ? Un célèbre capitaine !
Non, Haddock ne s'immiscera pas dans cette histoire.
Un indice peut être ?
"Partez de l'île de Nantes, empruntez le pont Anne de Bretagne, marchez un peu, vous êtes arrivé au musée Jules Verne.

Alors ?
Le Capitaine Nemo !

De toute façon, j'avais envie de plus de ... mystère, ...frissons...de m'encanailler ?

Sûrement !
J'attrape aussitôt la nageoire caudale du poisson volant, et me voilà sur le ponton des abysses. 
La raie manta...la méduse...
Ah, voici mon bathyscaphe, le poisson pirate !
Ses grandes mâchoires menaçantes et son anatomie singulière piquent ma curiosité.
À travers son ossature imposante, je distingue tout un attirail d'exploration. Je décide de monter à bord de la nacelle, en contrebas.
Ses barbillons en alerte annoncent le départ. Nous prenons de la hauteur, survolons la Loire, voguons entre les nuages jusqu'à l'océan.

J'ai hâte de sentir l'air du large. J'actionne aussitôt les nageoires dorsales translucides qui se gonflent comme des petites boules. Installée confortablement à l'arrière du crâne, je contemple la mer, ses récifs, j'apercevais les cinq pinceaux de St Hilaire, autrefois repère des pirates. Il est temps d'amorcer la descente, je déclenche les parois vitrées qui s'abaissent de chaque côté de l'arrête centrale. La nacelle s'arrime à l'ossature, les volets s'ouvrent sur des hublots.
La nageoire caudale s'alonge, se déploie dans un mouvement hélicoïdal.
Les vagues frappent la coque, le sous-marin plonge et s'enfonce progressivement dans les profondeurs.

De retour dans la nacelle, le nez collé au hublot, je regarde danser les ombres.
Tous ces remous ont agité la neige marine.
Les farandoles de flocons tourbillonnent autour des ombres, chahutées dans leur danse macabre.

Soudain, nous ralentissons, freinés par une épaisse couche de glace. La nacelle se détache, s'engage dans une fissure. Le sillage laissé par les sentinelles éclaire notre trajectoire vers les plaines abyssales.
Les roches affleurent au milieu d'une mosaïque recomposée, givrée par le temps. 

Des trous béants, peut être des guetteurs, émergent, encerclés de multiples voiles d'ombrages, réinventés, redessinés par des verts géants bioluminescence, d'une grande agilité.
Certains s'étirent, se libèrent, s'échappent, flottent, bercés sur des nuages d'encre entravés par des résidus de feuilles enchevêtrées dans les sédiments.
Aveuglés par les eaux troublées, les guetteurs dérivent jusqu'à la rencontre improbable, éblouissante, énigmatique, de l'art brut !
Majestueusement opaque, les contours ciselés et acérés, le cerbère des abîmes nous invite à voyager dans la galerie des sculptures éphémères.
Des créatures fantastiques, semblent emprisonnées, figées dans le monde d'avant.
Mon visage s'illumine d'une joie indicible lorsque je plonge dans cet univers onirique, d'une infinie beauté.

Conquérants, ils luttent, inondés par un puit de lumière. D'autres se rapprochent, s'enlacent, se lient pour fondre de plaisir... Et... insuffler la vie...
Je suis restée plusieurs heures, émerveillée par la dualité soleil/glace jusqu'à entrevoir, percevoir la transparence. Ce fut un voyage inoubliable, magique au cœur de la nature réinventée.