Maurice Lefèvre se promenait dans la rue Gambetta, quand il vit sur la place principale un grand rassemblement créant un brouhaha inhabituel ; il se rapprocha et aperçut un groupe de personnes, hommes et femmes, figés devant une grande affiche. Il la lut. Stupeur ! Il s'agissait de la mobilisation générale. Avec ce qui s'était passé à Sarajevo récemment, il se imaginait bien que la situation internationale était très tendue, mais pas à ce point !
Il alla chercher sa femme Rachel qui achetait un grand chapeau chez une modiste en vogue et lui montra l'annonce.

Elle commença à pleurer doucement. Maurice murmura :

- Je suis médecin...Je vais être automatiquement rattaché aux services de Santé sur le Front comme médecin militaire. Je dois faire mon devoir. Nous allons être séparés, c'est bien triste, ma chérie…
 
Sur la place centrale, les conversations allaient bon train, les gens ne parlaient que de la mobilisation et de la guerre à venir. Les femmes avaient peur de ne pas revoir leur mari vivant, leur fils, leur frère, leur cousin. Les enfants ne pourront peut-être pas revoir leur père et ils devront sans doute se mettent travailler, eux aussi !
Des adolescents en culottes courtes et grosses galoches aux pieds auraient aimé être plus âgés pour partir au combat, avec leurs aînés. Mais cela était aussi très difficile pour les pères. En façade pour faire bonne figure, ils se réjouissaient de partir combattre enfin l'ennemi d'outre-Rhin... Pourtant, au fond d'eux-mêmes, ils n'étaient pas sûrs de revenir, de retrouver leur famille, et même si'ils revenaient, ils n'auraient pas vu leurs enfants grandir pendant un certain temps. Seraient-ils encore capables de les reconnaitre ? Un père avait même la crainte discrète de revenir défiguré, de faire peur aux siens, mais certains badauds les rassurèrent en disant :
- Cette guerre sera courte ! Les Boches vont vite prendre une branlée !
- Avec notre canon de 75, on va les écraser et reprendre l'Alsace et la Lorraine...
C'était très dur pour les femmes aussi car elles savaient qu'elles devraient sans doute effectuer le travail des hommes, la tache difficile et physique, lles animaux et les champs. La moisson allait venir, puis les labours. Elles devraient aussi assumer des travaux qu'elles n'avaient jamais faits ou n'avaient pas l'habitude d'effectuer, seules. Certaines étaient aussi très inquiètes de laisser partir les hommes entre eux :
- On sait comment ils sont, ils vont boire plus que de raison...
- Si nous ne sommes pas là pour les surveiller, ils vont faire n'importe quoi ,les lascards !
 
Maurice et Rachel se taisaient. Ils ne savaient comment, ni par quoi commencer. L'avenir leur semblait plutôt sombre. D'ailleurs tous les hommes et les femmes qu'ils croisaient en chemin avaient la même humeur morose inscrite sur leurs visages.
 
Ils rentrèrent chez-eux en passant par la rue de la République...
Pendant ce temps, à Goderville...
Et au bord de la Seine...
  

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