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Rappels historiques pour se situer
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Jules Martin arrivait au marché des chevaux de la foire de Goderville dans l'idée de négocier au mieux un cheval. Il venait juste de toucher un héritage à la suite du décès de sa mère.

Il s'était fait accompagner par son ami Jean Lamare, un camarade rencontré au service militaire. Jean venait du pays de Bray et étant de passage à Bolbec, personne ne le connaissait dans le canton. Ils s'étaient mis d'accord tous les deux, Jules choisirait discrètement le cheval et Jean négocierait l'achat.
Il repéra alors un cheval à la belle robe noire qui lui avait tapé dans l'œil ! Comme il savait qu'il allait devoir partir au front prochainement, il désirait acheter une belle bête de labour, assez jeune et sufisamment docile pour que sa femme Marguerite puisse l'utiliser. Orlando, son ancien cheval, était une vieille carne indocile et il devait le remplacer depuis longtemps.
La négociation commença avec le maquignon. Le prix fixé pour l'animal choisi était bien trop haut, au goût de Jules. Le maquignon mit en valeur le cheval, alors que Jean demanda à lui regarder les dents pour y trouver des défauts et faire baisser le prix.
Se tenant discrètement à l'écart de la négociation, Jules entendit parler les autres négociants présents à la foire de la menace de réquisition des chevaux par l'armée et le gouvernement.
 
A vingt-quatre ans, Jules était plutôt un bel homme encore jeune, mais il avait déjà pris un physique de paysan, une belle taille robuste avec de larges épaules. Dans les champs depuis sa plus tendre enfance, son visage était toujours halé, buriné. De sa face un peu rouge ressortaient deux yeux bleus gardant quelques traces d'enfance. Sa couleur de cheveux alternait curieusement du blond l'été, au châtain clair l'hiver, ce que l'on appelait la couleur queue de vache dans cette partie du pays de Caux. Il possédait naturellement les grandes mains larges et rêches des travailleurs de la terre. Par souci de discrétion, Jules portait un chaperon vert et une sorte de cape avec une capuche jetée par-dessus sa solide chemise de travail en lin blanc et épais.
Il était marié à la charmante Marguerite, de trois années sa cadette. Ensemble, ils avaient déjà eu deux enfants, un petit garçon de quatre ans, Marcel, et une petite fille, Anne, d'un an à peine.
Mariés depuis près de cinq ans, ils étaient encore très amoureux. Leur premier enfant avait été un accident non souhaité, mais ils avaient décidé de bien l'accueillir, comment faire autrement, alors ! Ils ne regrettaient rien, car le petit garçon était bien gaillard ! 
 

Au marché du samedi matin, Marguerite Martin rencontra sa vieille amie Yvette. Après les courses, elles décidèrent de faire quelques pas ensemble dans la grande rue commerçante. Soudain, Marguerite s'adressa à son amie :

-Tu sais Jules me manque beaucoup ! Ton frère aussi est parti ?
-Non, dit Yvette, c'est mon mari qui est parti à la guerre, et je te comprends, il me manque beaucoup aussi…
- J'espère qu'ils vont vite nous revenir ! s'exclama Marguerite.
-Oh, oui ! Dis-moi, tu vas aller travailler à l'usine d'armement pour l'embauche des femmes ? Moi, je n'ai pas le choix…
-Je n'ai pas besoin d'y aller ! Jules m'a acheté un nouveau cheval juste avant de partir… Mais dis-moi, chère Yvette, tu n'as pas peur d'aller à l'usine, tu sais ce qui t'attends là-bas ? On dit partout que le travail est bien dur…
- Chez-moi, les animaux n'ont plus de force, je n'ai plus d'argent pour nourrir mes deux filles, je n'ai pas le choix…
 
Pendant ce temps, du côté des grandes usines...