Assise sur le lit d'un cachot ordinaire, le regard vide, Charlotte repensait à son arrestation. Comment allait-elle faire pour sortir de cette situation ? Une larme vint irriguer le sillon de ses cernes bleuâtres. Elle avait tout donné pour sa Patrie, elle se sentait abandonnée, trahie, rejetée. Qu'allait-elle devenir ? Allait-elle vivre ses dernières heures ? Malgré son dévouement inconditionnel au service de la France, elle allait finir lâchement fusillée par ses camarades. Elle aimait Heinrich, simplement, jamais elle n'aurait accepté de jouer double jeu.
Ses mains effleurèrent alors le médaillon que le jeune officier allemand lui avait offert. Elle se rappela soudain tous les moments passés à ses côtés. Comme ils étaient bien sous ce pommier ! Elle avait découvert l'amour, elle savait que certains la jugeraient mal, mais son Heinrich était un homme fort, beau et bon. Elle ne regrettait rien.Tout à coup la porte s'ouvrit sur Heinrich.
- Ah ! étouffa-t-elle. Que fais-tu là ?
- Chut ! Je vais tout te raconter. J'ai assommé un garde et je lui ai pris ses vêtements et ses clés. J'ai ainsi pu m'introduire dans le bâtiment. Je vais te sortir de là.
Un claquement sourd retentit :
- Qui va là ?
- Oh, non ! C'est le garde, suis-moi !
Il la prit par la main et la guida jusqu'à la sortie par un dédale de couloirs.
Les deux amoureux sortirent en courant du bâtiment. Le garde leur cria de s'arrêter, mais ils continuèrent.
Les bruits de pas des gardiens se rapprochèrent de plus en plus et le coeur des deux amants battait chaque seconde un peu plus vite. Ils pensaient vivre leurs derniers instants. Heinrich donna son arme à Charlotte ainsi qu'un dernier baiser et il recula de quelques pas juste avant que les gardes arrivent. Un lieutenant s'écria :
- Halte, que se passe-t-il ?
- Cette sale française m'a interpelé pendant que je tentais de m'évader de ma cellule, déclara Heinrich d'une voix troublante.
- Je ne t''ai pas parlé à toi, sale Boche, l'interrompit l'officier français.
Encore sous le choc, Charlotte Welzer prononça sa première phrase, sous le regard insistant d'Heinrich.
- C'est vrai, ce soldat prisonnier tentait de s'évader et je l'ai interpelé.
- Pourquoi ne l'as-tu pas encore tué ? dit alors le lieutenant d'une voix autoritaire. Que veux-tu qu'on en fasse !
- Je vous attendais pour que vous puissiez assister à ce spectacle, dit Charlotte avec les yeux perlés de larmes.
- Alors, tire !

Les deux amants se lancèrent un dernier regard, tous les bruits furent suspendus, le monde semblait s'être arrêté. Charlotte leva son arme vers son amour, ferma les yeux et appuya délicatement sur la détente. Elle repensa au bonheur vécu avec lui, puis elle laissa couler ses larmes.Heinrich était mort et elle pensa au fils qu'elle attendait. Elle l'appellerait Heinrich en mémoire de son père, ce père qu'elle venait de tuer elle-même pour se sauver des accusations qui pesaient sur elle.

 
 
 
 
Epilogue
 
 
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