Gare de Lyon,un soir…
 
Créer en quelques mots un personnage, dont la route va croiser celle des autres créés par les différentes personnes…
 
Mon personnage / Colette
C'est une artiste peintre de soixante-huit ans, elle est anglaise et vit dans le Lot, elle aime bien la bouteille, c'est normal on est dans le pays du vin…
" Moi c'est chaud aujourd'hui j'ai besoin de boire un p'tit coup "...
C'est comme ça qu'elle parle. Elle parle à ses pinceaux comme s'ils allaient l'excuser de soulager ainsi sa soif !
Arrive Anne l'infirmière, elle est un peu artiste dans son genre, et si elle n'aime pas le gruyère sur les pommes de terre, elle ne dirait pas non à un petit verre avec Milady, ça fait longtemps qu'elle a repéré qu'elle cachait du pinard, mais elle ne dit rien
Vite un p'tit coup en douce avec elle, personne ne le saura…
- Oh Yes ! Milady est trop contente de trouver quelqu'un d'alcoolisé pendant sa cure de désintoxication… Allez à ta santé !
 
À partir du personnage créé précédemment, développez et faites-le évoluer dans un lieu où il rencontre les autres personnages des participants de l'atelier
 
Gare de Lyon 11h57
Milady, 68 ans grosse femme échevelée, à la trogne rougeaude et à la robe délavée ressemblant plus à un chiffon ambulant, se hâte, dans sa lourdeur vers le bar où elle veut s'en jeter un avant de reprendre le train vers son village du Lot où elle végète dans son atelier, entre deux cures de désintox.
- Oh, c'hey chôô ! dit-elle dans son mauvais français.
Dans sa hâte elle bouscule quelque chose, non quelqu'un !
- Oh, shit, c'hey koi, cette merde ?
Elle regarde ce qui l'a freiné dans son élan : une vieille avec jupe longue sale, mégot au coin des lèvres, sac et valises, un chapeau aussi jeune que son petit bazar…
Un peu son double peut-être, car elle n'a pas très belle allure avec son propre sac d'où débordent des pinceaux, et des… bouteilles oui, opaques, remplies d'un liquide douteux !
Emma " le gros tas " à la clope éteinte l'interpelle :
- Eh, toi, la grosse, tu n'es pas gênée de marcher sur mes affaires ? T'as oublié la politesse ?
Milady l'ignore, elle a soif, si soif, elle passe, dépasse cette chose sans voir que c'est peut-être propre reflet…
Elle continue sur sa lancée quand la bouscule un homme, la cinquantaine, une sale gueule de taulard ; enfin c'est ce qu'elle pense Milady car elle ignore que c'est un homme neuf qui sort de taule oui neuf car il attend son très beau RV.
Milady minaude car après sa première impression elle le trouve plutôt pas mal le taulard !
Musclé et tout, un homme un vrai homme, elle salive déjà…
Et s'il me payait un petit coup ? Elle a soif, si soif !
Elle attend qu'il l'invite, mais lui, il attend une femme, une belle, enfin il en rêve depuis si longtemps, Marie, c'est le nom qu'il a sur sa pancarte en grosses lettres rouges.
Milady veut partir, elle se détourne et s'empêtre dans ses loques et tombe sur Marie, la belle Marie Barton, la si gracieuse danseuse étoile de l'Opéra de Paris, belle et jeune célibataire aux yeux verts, la grâce, la légèreté incarnée : une ennemie parfaite pour Milady… Mais non, Marie l'enlace pour l'aider à se relever et elles font toutes les deux un ballet drolatique : la grosse Milady décatie et la jeune et magnifique Marie dans un duo improbable. Milady tournoie et c'est la chute, elle tombe nez à nez sur… les gardes du cardinal qui l'interceptent et l'immobilisent avec leurs carottes laser et leurs grenades à gruyère…
Croisées de chemin…. Monique
Sur le quai de la gare de Lyon, Danièle de petite taille se dirige tranquillement vers l'accueil pour valider son billet. Marcel le contrôleur l'aperçoit de loin et sourit devant ce bout de femme qui respire la jovialité, elle a des yeux rieurs et avec son accent du sud lui demande si c'est son TGV pour Narbonne. Ils échangent quelques mots puis Marcel l'aide à s'installer dans le compartiment. Danièle s'assoit près de la fenêtre satisfaite, sa voisine d'une soixantaine d'années l'observe curieusement. Elle semble perdue, Milady porte une tenue bohème des années soixante-dix et avec ses longs cheveux pendants, elle paraît prise d'angoisse. Elle serre fébrilement contre elle deux bouteilles opaques comme si c'était un trésor. Danièle, consciente de son malaise, entame une conversation polie, Milady consent à lui répondre et bientôt toutes les deux se découvrent un point commun, la peinture. Les voilà parties dans de discussions animées.
Sur le quai passe un groupe de quatre jeunes gens bruyants, munis de grenades à gruyère et de carottes laser. Ils ressemblent aux gardes du cardinal du futur ; leur accoutrement intrigue les passants et ils ne passent pas inaperçus, ils viennent accompagner un des leurs au train après une soirée déguisée bien arrosée et ils perturbent l'enregistrement des billets. Marcel, le contrôleur tente de les calmer. Lors de leur traversée dans la gare, ils ont bousculés un homme à la pancarte où est inscrit en rouge le nom de Marie Barthome. Roger attend une invitée de marque, quelques personnes patientent également près de lui. Une jeune femme s'avance vers lui d'une démarche sautillante, son regard vert se pose sur la foule habituée aux fans, elle leur sourit. Marie rejoint à Paris Collins son partenaire du ballet La Bayadère et ensemble ils entameront une grande tournée en France. Marie, la jeune danseuse étoile est ravie de retrouver son public parisien.
Sur le quai de la gare… Monique
Sur le quai de la gare de Lyon à Paris, un jeune couple se rejoigne pour attraper le train en partance de Narbonne. Ils viennent juste d'arriver et aussitôt ils s'enlacent et s'embrassent heureux de se retrouver. Ils cherchent sur le grand panneau d'affichage si leur train est annoncé avec le numéro de quai. Contents de partir ensemble, ils ne se lâchent plus, ils s'embrassent et se parlent à mi-voix en souriant tout à leur bonheur sans faire attention à leur entourage. Leur bonheur fait envie.
Un peu plus loin sur le quai d'arrivée, un jeune trentenaire appelé Louis consulte souvent sa montre. Il observe attentivement le flot des voyageurs arrivant qui remonte le quai se dirigeant vers la sortie. Cela va faire bientôt plus d'une heure qu'il attend fébrilement son amie Marie qui devait arriver de Nîmes à dix heures sept. La pendule indique maintenant onze heures dix et Louis espère encore de la voir surgir à ses côtés. Il a tenté de joindre Marie sur son portable mais le même message d'absence répétitif lui répond. Louis s'inquiète et son visage exprime la déception du rendez-vous manqué. Anxieux, il se pose mille questions sur ce qu'il a pu arriver à Marie : accident, maladie, les idées se bousculent dans sa tête. Il est perdu au milieu de la foule, triste il se décide enfin de quitter la gare et se dirige vers la sortie. Il retentera de nouveau de contacter ce soir Marie et ne comprend pas son silence radio.
Cela va faire deux mois maintenant qu'ils communiquent quotidiennement sur le net et cette rencontre sur Paris est importante pour eux deux. Cette journée devait être de joyeuses retrouvailles et de découverte, Louis n'aura pas cette chance et peut être plus tard aurait-il une explication de son absence.
La gare est un lieu propice pour retrouver, croiser des gens de tout bord, elle est en perpétuelle effervescence. Les départs et les arrivées des trains se confondent et les personnes sont pressées, se bousculent de peur de rater le train ou leurs proches qui viennent les chercher. Dans ce tohu-bohu, voilà qu'une jeune fille, Jane, arrive tout essoufflée, poussant une grosse valise. Son train part dans vingt minutes et ne sait pas encore sur quel quai se présenter. Elle est toute rouge d'avoir couru et monté les escaliers avec sa lourde valise. Elle cherche des yeux sur le panneau d'affichage de départ la destination de son train et surprise s'aperçoit qu'elle s'est trompée de gare. Son train en partance pour Arcachon doit partir dans dix minutes de la gare Montparnasse. Elle s'est trompée de gare, désemparée elle se dirige vers le guichet d'information, se renseigne pour échanger son billet de train et par chance peut attraper celui de quatorze heures, cela lui laisse deux heures pour rejoindre la gare de Montparnasse. Soulagée, Jane se ressaisie, respire un bon coup attrape sa valise puis se dirige vers la station de taxi, ainsi elle arrivera rapidement à la gare et aura le temps de prendre une collation avant de monter dans le train. Ses vacances peuvent enfin commencer.
Au quai 27 se tient Roger guide tour opérateur d'Amical Travel. Il doit accueillir un groupe de touristes arrivant de Montpellier. Il brandit sa pancarte devant lui en espérant de les voir bientôt car le bus est mal garé il ne dispose que de quinze minutes de stationnement. Roger s'impatiente et observe la foule de voyageurs et espère repérer le groupe ; son sourire de bienvenue décline car presque tout le monde est descendu du train. Voilà qu'un joyeux groupe de seniors arrivent avec un fort accent du sud. Ils se réunissent sur le quai et se comptent afin d'oublier personne puis ils s'acheminent tranquillement vers la sortie ; leur responsable Martin aperçoit Roger se dirige vers lui et lui donne une sympathique accolade. Les voici tous rassemblés et Roger peut emmener son groupe vers la sortie et leur faire visiter Montmartre ; première étape de leur semaine parisienne pour ces joyeux lurons.
 
…. Patricia
Ce jour-là, un temps radieux avait fait sortir Danielle de chez elle. Depuis son divorce, elle s'imposait une solitude réparatrice, rejouant certaines scènes conjugales devant ses compagnons de fortune. De nombreuses figurines décoraient sa nouvelle maison, petits êtres de mémoire d'une vie bien remplie. "Pour une première sortie allons retrouver la foule "s'était-elle dite. Elle choisit la gare de Lyon, elle se trouvait non loin de son habitation. Le lieu était dense de voyageurs en cette heure du soir, moment de retour des travailleurs. Satisfaite, elle voulait se noyer dans le monde, l'effervescence, dans une agitation bercée d'épuisement ou du bonheur d'un retour en soi, vers chez soi. Des flots ininterrompus d'hommes et de femmes recouvraient les quais comme des secousses, des frissons d'un grand corps malade. Elle effaça rapidement l'image triste de sa tête. Son attention se déplaça sur les formes immobiles du bâtiment : poutres, charpentes métalliques, signaux d'informations… Elle continua sa quête du réel. L'absence de couleur la fît pâlir. Les bleus, les noirs se perdaient dans une dominante grise. Elle effaça de nouveau cette nouvelle image maussade. Elle reprit sa recherche mais enfin que cherchait-elle ? La prise de conscience d'une intention lui permit de fixer son regard sur une silhouette plus originale pour sa sensibilité.
 
…. Noella : Coup de Trafalgar
Mary Barton, célèbre danseuse étoile, s'arrête un instant pour réajuster le bandeau qui emprisonne joliment sa chevelure blonde. Ses grands yeux verts parsemés de paillettes d'or invitent à la rêverie. Sa grosse valise recèle des trésors, plusieurs boites de Papalines, une spécialité d'Avignon, composée de chocolat fin, de sucre et de liqueur d'origan.
D'un pas svelte, Mary se dirigea vers le " Sweetmilk'n Bio " sa petite récré, qu'elle affectionne tout particulièrement à deux pas du " train bleu "
Quintessence de la féminité à l'anglaise, Mary s'installe sous la tonnelle, avec ses fragrances subtiles offrant une touche d'élégance, une note de délicatesse aux voyageurs sous le charme. Instant magique dans cette gare bien calme, à Londres, plus précisément à kings Road, le spectacle est permanent, le ballet des mannequins vers les maisons de coutures, son célèbre voisin, Boy Georges avec son corbeau sur l'épaule.
- Voici votre milk-shake banane, fraises au lait d'amande mademoiselle, désirez-vous autre chose ?
- Je goûterai plus-tard la tornade acidulée. Merci beaucoup.
À côté d'elle, une femme d'un âge certain surnommée Milady boit goulûment un curieux breuvage ! À peine servit, elle y ajouta le contenu d'une petite fiole ! Les couleurs de ce hasardeux mélange devenaient pastels, voire délavées comme sa robe a la forme imprécise. Elle admirait le joli port de tête de Mary et lui dit :
- A la bonne vôtre, damoiselle, (levant son verre en hoquetant), à l'aventure de, de quoi déjà ?
Puis montra à Mary le contenu de son escarcelle, mes munitions de gueule, et hop, un petit pour la route du soleil.
- What did you say ? rétorque Mary parfaitement bilingue, ne comprenant pas cette expression du moyen-âge. "Oh yes, à la vôtre ".
Soudain, un groupe à l'allure bien singulière, digne des meilleurs cosplayers s'approche. Les regards complices, l'un d'eux s'écrie :
-Bien le bonjour, chérie, envie d'une protection rapprochée ? Joignant le geste à la parole, le garde du cardinal Amara enlaça la taille fine de Mary. Surprise, elle esquissa un saut de chat, virevolta, se cambra dans une grâce infinie pour se libérer de cet arrogant aux manières plus que cavalières.
-What did you expect ?
C'est alors qu'une vieille femme à l'allure dépenaillée surgit, balançant son mégot puant imprégné de sang sur le garde. C'était sans compter sur ses acolytes, qui carottes laser aux poings, chantèrent " du rhum, des femm's, c'est ça qui rend heureux... " Et jetèrent des grenades à gruyère ! Le mégot incandescent fit fondre le gruyère répandu sur la jolie robe Repetto de Mary.
- Oh my god, my lovely …i don't feel …
- Mortecouille s'exclama Milady, j'en avais marre de croquer le marmot, entonnant aussitôt " les effluves de rhum dans ta voix, me font tourner la tête...et décocha un pinceau bien dégoûtant, sentant la térébenthine et le moisi.
Une des carottes-laser sectionna la ficelle bien usée qui maintenait fermée la vielle valise d'Emma. C'est alors que le brave Marcel qui allait prendre son service, s'agenouilla pour rassembler le bric-à-brac répandu sur le sol étrangement coloré. Emma essaya de se pencher, son visage outrageusement fardé heurta celui de Marcel, son fond de teint dégoulina dans les grosses moustaches agrémentées de petits morceaux de carottes. Sa jupe trop longue, les fit trébucher. En vingt ans de métier, Marcel n'avait jamais assisté à de tels débordements.
Dans sa chorégraphie improvisée, le ruban en satin de Mary s'était détaché, voltant à travers les différents effluves. Un homme, la cinquantaine observait la scène en marchant d'un pas nonchalant vers " le train bleu " l'attrapa.
Gilles Robin, ex de la centrale d'Avignon reconnu Mary immédiatement. Sur le quai de la gare d'Avignon il l'a reluquait déjà ! Ah ! vingt ans à clamer son innocence, vingt ans de pénitence. Assis en face de Mary, place 69, il contemplait son teint English rose, belle à croquer, sa bouche délicate comme la rosée du matin, mettait en émoi tous ses sens. Il aurait tant aimé s'aventurer le long de son cou, comme une goutte de parfum, parcourir sa peau jusqu'aux creux de ses seins se dressant au moindre effleurement.
Il serrait si fort le ruban dans sa main, qu'il tressaillit, ouvrit les yeux et s'arrêta brusquement devant un grand type tenant une pancarte avec des mots imprimés en rouge...
 
…. Brigitte
Emma, vieille femme dépenaillée, aux chaussures de tennis éculées, à la jupe longue informe et au tee-shirt douteux, avance péniblement en trainant derrière elle, une valise en carton gondolée, mal ficelée.
Un chapeau, qui fut jadis élégant mais poussiéreux, orne une chevelure hirsute.
Outrageusement fardée, ses lèvres sanglantes serrent un mégot puant. Désorientée, elle erre sur les quais encombrés de valises, de poussettes, de voyageurs pressés...
Elle marmonne, bougonne, gesticule, en équilibre précaire, s'agite puis se fige un moment, absente, indifférente et revient au pied du grand escalier s'asseoir sur sa valise, invisible aux yeux de tous.
Marcel, contrôleur aguerri, à la moustache bien fournie et aux yeux perçants, l'a repérée et la suit du regard.
Il l'aime bien cette petite vieille qui vit là à demeure et tente de survivre dans cet univers hostile et bruyant.
Sandwich et café en main, il s'approche.
- Bonjour Emma, le local à vélo, sous l'escalier B sera ouvert cette nuit à vingt-deux heures !
Il y a le strict minimum, mais vous y serez au chaud. Partez à sept heures. Les gardes du Cardinal rodent dans cette gare depuis peu. Ils font la chasse aux sans-abri, impitoyables, arrogants et brutaux.
Soyez très prudente, silencieuse et ponctuelle.
Il y va de votre vie.
 
Gilles Robin, ex-taulard à Avignon, buvait un petit noir, à quelques pas.
Son ouïe fine a tout perçu. Dans sa poche, un Beretta, pèse lourd. Il lui sert de viatique. Emma lui rappelle sa grand-mère très aimée, qui l'a recueillie petit et orphelin. Ce furent ses plus belles années. Son enfance dorée, lumineuse et joyeuse. Il se promet de la protéger et de la sortir de la misère.
Les gardes du Cardinal n'ont qu'à bien se tenir s'ils ne veulent pas recevoir deux balles dans la peau. À bon entendeur, salut.