Grand Portrait de Ville

Culture et lien social avec la DRAC d'Ile de France
Textes collectifs et individuels pour s'arrêter un instant
sur la ville de Torcy et ses habitants
Ateliers conduits par Patricia Baud et Alain Bellet
 

Photographies Patricia Baud - Sylvie Petel (chocolaterie de Noisiel)

Une ville s'écrit dans l'équilibre instable entre l'architecture et la place occupée par les humains, dans les postures des corps, des mots murmurés dans l'annonymat de l'espace public, des silhouettes croisées au hasard d'un horaire, d'un rayon de soleil, d'une simple promenade...
Choisir de rentrer dans la construction d'un portrait littéraire d'un personnage de votre univers. Une personne proche ou une personnalité publique de votre choix… Un personnage réel ou imaginaire…

Portrait de ville, peinture de ville / COLETTE Pour lui donner un nouveau visage, des artistes, en herbe ou pas, se sont mobilisés au quartier du Belvédère. Ils ont habillés les marches de rouge, de bleu, de vert, de jaune ou de violet. Ils ont investi des murs en y collant des visages éphémères, des reproductions d'habitants du quartier, d'enfants, de femmes, d'hommes de toutes couleurs et origines confondues.Tous habitants de la cité aux multiples visages. Car si les tags sont interdits pas la loi, ces peintures, elles, ont été encouragées par la ville et les élus locaux et les mécènes ont suivi. Les jardinières ont été recouvertes de jolis tons et ce quartier qui voit tous les jours des centaines de personnes aller au RER ou en revenir, a été embelli et son image revalorisée, les couleurs chassent désormais la grisaille du quotidien. Portraits de citoyens, portraits d'aujourd'hui. De quelle couleur sera la ville de demain .

La Femme devant moi/ PATRICIA Voilà qu'elle me tend encore ce bout d'os tout rongé. Il y a vraiment quelque chose d'animal, d'instinctif, une nature sauvage chez cette femme. Est-ce sa carrure un peu massive ? Il se dégage chez elle une solidité évidente, de l'enracinement, un caractère fort à la mesure de sa fonction.
Je prends la clé à peine offerte. L'expression commerciale de celle qui me fait face a négligemment mais nerveusement déposé le sésame sur le comptoir. Je l'observe, son visage reste de marbre en façade, elle passe rapidement à autre chose, un autre client sans un regard pour moi, sans autre forme de lien. Un sourire moins automatique que ses gestes, remplace la face bourrue de l'accueil précédent. Elle peut donc être tendre et attentive comme un soleil timide qui perce une bonne couche de nuages, j'en avais fait la preuve une autre fois.
Son métier n'est pas facile bien qu'elle apparaît plutôt maîtresse en sa demeure. Mais son antre est visité quotidiennement par des vagues de gens soit trop pressés, soit échoués comme des bateaux quand la mer est basse. Ses clients semblent refaire le plein ici mais de quoi ?
Il lui prend de parler, pas bien longtemps, juste quelques touches d'humanités émiettées, élus par je ne sais quels critères ou jugements, fonction oblige de préférence occupée. La distraction, c'est pour les autres les calés ou les trop décalés de leur vie. Les derniers comme un rattrapage viennent suppléer ici la fragilité d'un vide ou d'un trop plein. Elle ne semble pas chercher à comprendre, fermée elle offre une posture de convictions sûrement empruntée à d'autres personnes robustes et affirmées comme Elle.
Elle a choisi un métier exposé, la distance qu'elle sait garder la protège. Elle règne sur son petit territoire et réprouve toutes familiarités. Elle veut juste continuer, continuer à exister…
 
Elle rêve / BRIGITTE Elle est assise dans un sofa confortable, son petit chien noir, couché à ses pieds.
Elle semble être dans l'attente. Ses cheveux auburn, tirés en arrière, encadrent un visage décharné, fin, au regard mélancolique.
Ses traits sont fatigués. Elle rêve, un peu figée, immobile, seule.
Sa longue main diaphane repose sur un genou.
L'autre, est invisible. Élégante, mystérieuse et douce, elle suit du regard la course du soleil dans un ciel limpide
Son salon aux teintes pastel, l'enveloppe de sa paix.
Un piano égrène quelques notes légères et éphémères dans le lointain.
Sa vie va bientôt s'achever.
Le compte à rebours a commencé.
 
Le Gardien / BRIGITTE Nous vivons dans une résidence de standing, cernée d'espaces verts.
La population est aisée et de nombreux enfants l'animent.
Notre gardien, maitre des lieux, est omniprésent.
Encore jeune, ouvert, au rire communicatif, il parle volontiers avec tous. Il est polyvalent, habile et rend beaucoup de services.
Son emploi du temps est bien structuré, ses taches immuables.
En ce début d'automne, il balaie mollement les feuilles mortes, en surveillant du coin de l'œil les enfants turbulents qu'il sait faire rentrer dans le rang d'un ton sec et péremptoire.
En fonction du temps, il arrose les nombreuses vasques de fleurs, posées çà et là, en déplaçant son énorme tuyau d'arrosage avec dextérité.
Une vieille dame et son petit chien pelé, sortent à heures fixes pour diverses promenades.
Ils conversent longuement avec un réel plaisir.
Sa charge l'oblige à ramasser les innombrables négligences des résidents, tôt le matin, ce qu'il fait avec application et grand sérieux.
Attentif au bien-être de chacun, il nous rend la vie plus agréable
C'est un petit bonheur de le croiser au détour d'une allée, lui et son beau sourire.
Nous espérons le garder très, très longtemps avec nous.
 

La Dame-sourire/ ALAIN - Vous voulez un café ?
- Oui, volontiers…
Toujours avec une bordée de sourires, c'est sûr ! Elle en offre à foison, la dame de l'accueil, celle qui vous reçoit, vous aiguille, vous accompagne de toute cette humanité bienveillante que l'on voit transparaître en un instant.
Elle est comme un papier sensible et communique volontiers sa bonne humeur contre tous les négatifs de la planète. Le téléphone aussi, c'est sa partie. Messages, explications, conseils, propositions…
- Venez, ça sera bien, sortez de chez vous, rencontrez des gens…
- C'est vrai ?
- La fraternité, l'essentiel !
Elle aimerait égayer la terre entière, comprend tous les soucis passagers, les blessures de vie, les drames traversés. Elle possède les mots qui guérissent, cajolent et caressent. Tous ces mots mitonnés à l'aune d'une tragédie qui l'avait bousculée, elle aussi. C'était cette guerre, cette guerre de France en terre cousine qui revendiquait juste sa liberté. Pour l'amour de ce frère assassiné par des gens de son âge en uniformes français, elle cultive le goût d'aimer, la passion des autres, l'art de la proximité sensible, le bonheur simple de préférer la douceur à l'indifférence.
Connaissez-vous sa manière de faire ? Avez-vous mis au jour son secret ? Les mots, simplement. Ceux qu'elle égraine d'une voix sereine et ouverte, ceux qui ouvrent les portes des renfermements sur soi, ceux qu'elle aime assembler dans un texte interrogeant la vie, les autres, le monde.
Un vague à l'âme ? Une légère fatigue ? Allez, laissez-vous bercer par la dame de l'accueil, elle sait guérir l'impossible, parole…
 
Portrait de ma boulangère / SYLVIE C'est une petite femme un peux rondouillarde, les joues bien rouges, son chignon bien fait
à l'arrière de sa tête. La couleur de son visage semble évoquer la rapidité de sa tâche.
Elle porte des manches retroussées ce qui fait penser à une ambiance surchauffée par les fourneaux, les fours à pain. Elle est souriante face à sa clientèle et même on la sent avenante.
 
Parler de quelqu'un de ma ville, ou autre... / AMARA Je ne connais pas l'homme dont je vais vous parler.
Ce n'est pas une légende, ni un fantôme. C'est une silhouette qui se déplace autour d'un lac.
Tous les soirs, pendant la période 2014-2015, tout le monde pouvait apercevoir cet étrange personnage. Il rôdait autour de ce lac. Le lac de Lognes.
Il ne menaçait personne. Il ne faisait de mal à personne.
Il courait. Tous les soirs quand je rentrais du travail, je pouvais le voir passer.
Personne ne faisait vraiment attention à lui.
D'un profil massif, il était assez gras, pachydermique. Cependant, ça ne l'empêchait pas de courir. C'est ce que j'ai retenu de cette personne. Habillé de son sweat à capuche. De son pantalon de sport, il s'avançait à la force de ses jambes pour parcourir et parcourir les kilomètres qui le séparait de son objectif.
Ce qui m'a marqué chez cette personne, c'était l'image d'un homme qui n'abandonne pas. Je le voyais courir sans relâche. Il ne changeait jamais sa cadence. Il était imperturbable, guidée par une force inépuisable, il s'avançait vers un destin qu'on devinait rude, sans concessions, mais juste.
Aujourd'hui ce bonhomme à l'allure enrobée, je ne l'ai pas revu depuis longtemps.
J'aime à penser qu'il a disparu, ayant reçu la juste récompense qui l'attendait au bout de sa course.
Il a atteint le sommet de la montagne. Arrivé en haut des marches, il doit sûrement lever ses bras très hauts à côté de ce boxeur italien de Philadelphie.
 
Mon, mes portraits.../ NOELLA Ces portraits qui à la fois capturent lourdement et libèrent intensément mes instants de vie ont parcouru un long voyage vers la plénitude de mon " être ". En quête d'unions sacrées dans mon temple intérieur, tour à tour, je fus, je suis, je ...fus …
Spectatrice, comédienne, aventurière, somnambule, funambule et bien d'autres encore…
Un matin, je me suis éveillée de " bonheur " Je n'avais plus " en vie ", ni besoin de créer des " chefs-d'œuvres ". Ce n'était plus une finalité, mais un merveilleux point de départ vers des contrées où j'active mon bonheur jour après jour. " Etre " toujours, toujours " être" pour cultiver mon bonheur dans le jardin de l'impermanence.

Elle se coupa les cheveux / PATRICIA

Mince, d'une allure fragile, elle s'avança, répondant à ma demande

L'outil qui lui faisait face nous séparait et nous reliait

Ambiguïté d'un moment suspendu

Ses yeux s'ouvraient timidement

Sa tête était penchée, son visage restait impassible mais doux

Pour l'occasion, elle avait changée de coiffure

Sur son front un collier le cernait, l'embellissait

Jeune fille moderne devenue romantique

Deuxième ambivalence du temps

Je lui tends une fleur comme un présage de bonheur

Elle n'ose plus, puis s'affirme

Elle pose la rose sur son cœur

Je la regarde, deux sourires complices s'entremêlent

Instant profond où la fraternité triomphe

Accepter, s'accepter, aimer

Je pris la photo

À la vue de celle-ci,

Elle coupa ses cheveux.

Portrait, rue des Charmettes / SYLVIE Je porte le nom du parc qui est à ma droite.
Ce magnifique parc qui cet été a été restructuré. Eh oui, j'ai été rénove : de terre battue on m'a paré d'asphalte et de pavés.
J'arbore toujours de magnifiques arbres, certes certains de mes compatriotes ont étaient abattus, on les disait malades. D'autres encore un peu frêles ont été plantés à leur place.
Le plan d'eau a était conservé ainsi que les grandes pelouses.
Le samedi, je suis traversé par des hommes et des femmes avec de lourd cabas, car c'est le jour de marché. À 16 heures les enfants accompagnés de leur mère, dégustent sur mes pelouses leur goûter acheté à la boulangerie proche. Très tôt le matin ou tard le soir, c'est leurs fidèles compagnons qu'ils viennent promener.
À chaque entrée on m'a paré de barrières en bois afin d'éviter que des véhicules à moteur me traversent.
 
Mon esplanade…/ MICHEL C'est un lieu appelé l'esplanade. Il n'a que quelques années d'existence, pas même vingt ans. Autrefois, on trouvait là des champs de céréales dans lesquels mes amis d'enfance et moi nous jouions, sans nous soucier de les détériorer. Il était situé en contrebas du célèbre magasin d'alors, Continent.
Il n'était qu'un petit chemin de terre qui servait à faire le trajet depuis le RER jusqu'à la galerie marchande de Continent. Puis Continent est devenu Carrefour. Un beau jour encore, des gens haut-placés ont décidé de tout réorganiser. Carrefour était envoyé à quelques centaines de mètres de là dans un lieu baptisé Bay2. Où se trouvait autrefois Continent, on a bâti un autre centre commercial, avec notamment des restaurants et un cinéma. On donna à ce nouvel ensemble le nom de Bay1. C'est en ce temps également que fût créée ma fameuse esplanade, que l'on ornât de logements et de commerces. Depuis lors, d'un lieu quasi-désert, il se métamorphosa en un lieu de passage où les Torcéens vont prendre le RER, et en un lieu de vie avec des restaurants et des bistrots, et autres échoppes (alimentaires, auto-école, laverie, coiffeur etc…)
J'ai connu ce lieu sans vie, maintenant je le retrouve chaque jour, grouillant de vie.
 
L'art à deux roues / ALAIN Sans viande, toujours sans viande dans les assiettes… Il préfère la peinture sous toutes ses formes, à l'eau, à l'huile, gratinée, épaisse ou diluée, de toile en toile, en réseau ou en rhizome, en exposition. Le plus souvent de noir vêtu, grimpé sur une bicyclette hollandaise, il va et vient depuis plus de vingt ans dans les méandres de la ville, entre cités et village, la tête au Tibet et les tibias échaudés. Apôtre de l'art, cultivant la plastique, il ne boit que de l'eau, l'écolo. Monsieur Cimaise punaise le dessin, Monsieur Tableau comme un Van Gogh soigne l'éclairage. Au grand marché de l'Art Torcéen, il annonce la couleur, effleure le reflet, attire le trait simple et dégarni, comme au diapason du sommet de son crâne dépourvu de brosse, de poil, de crin, de cheveu. Il campe sur ses deux oreilles, porte le prénom de l'homme d'Auvers-sur-Oise, et cultive l'ascétisme, entre la culture d'ici et celle de Bouddha, entre le métropolitain et le tibétain, la socio-culture et le soja, le pinceau et le vélo. Comme un Zorro des temps venus, exposera-t-il bientôt dans ma rue ?
 

Marché de l'Art/ COLETTE Aujourd'hui c'est le marché de l'art à Torcy et nous, petits écrivains du dimanche, nous pouvons rencontrer des artistes, peintres, plasticiens, sculpteurs, aquarellistes, etc... Qu'est-ce qui nous touche ? Qu'est-ce qui nous surprend ? Qu'est-ce que l'on déteste ? À travers de petites discussions avec certaines de ces personnes, nous essayons d'y voir plus clair, afin de comprendre ce qui a motivé l'artiste.
Pourquoi ce jour-là, celui-ci a eu envie de travailler la cire ; comment il a kidnappé en quelque sorte l'image d'une oreille coupée qui a fait le buzz sur internet et en a fait une espèce de pendentif ?
Cet homme est souriant, amène et volubile ; il explique sans cachotterie comment il aime travailler la matière, et comment il s'est approprié cet appendice pas très jojo et l'a coloré, magnifié pour en faire un bijou. Comment ses fleurs en cire ou en résine qu'il a exposées chez la fleuriste semblent s'épanouir avec leurs copines naturelles ?
Plantes imaginaires, création, récréation.
L'homme au béret aussi est plutôt bon parleur. Par petites touches, il essaie de me faire comprendre que ses sculptures ne sont pas forcément ce à qui elles ressemblent, que ce n'est pas l'élément féminin qu'il donne à voir mais plutôt l'élément aquatique. Les formes arrondies de son oiseau, de son poisson et même de son " cheval assoiffé " participent à un festival de pensées et sont le fruit d'une longue gestation. Des heures de burin, de marteau et ensuite de polissage pour aboutir à ces objets forts et brillants.
Et autre univers, il y a ces photos étranges de graines qui semblent respirer, se mouvoir ; on dirait presque des fleurs alors que ce ne sont que des embryons aux formes insolites et aux couleurs nacrées.
Il y a aussi ces tableaux surprenants aux personnages tourmentés, désarticulés, en rouge sur fond blanc, comme des pantins qui auraient perdus leurs ressorts ; et ces tableaux en gris et noir, le gris des hommes qui ont perdu leur couleur.
Une belle promenade au pays des arts, cet après-midi, à Lino Ventura. De belles émotions qui perdurent.
 
L'entre-deux de l'inachevé/ ALAIN (Marché de l'Art, œuvres de Linda Suthiry SUK)
" Ce qui se voit ne peut être perçu… " dit-elle. Ce qui s'exprime ne peut être compris, ce qui s'écrit ne saurait être déchiffré…
Au marché de l'Art, l'artiste s'habille de flou, joue l'évocation, le murmure des formes esquissées. La vue est convoquée avant les autres sens pour introduire le doute, la perte des contours, un flou mémoriel effaçant la souvenance de l'enfoui fidèle en cela à un devoir d'oubli où elle nous convoque. La non-perception résulte d'un exil, de pertes enchevêtrées, écrit-elle encore, dans l'affirmation d'un chemin de sentis cultivant le flou pour ne pas être la victime désignée d'une confrontation à une trop grande lumière…
Dans le flou, il y a cet entre-deux de l'inachevé, du à peine dévoilé… Une part de mystère qui invite à recomposer le disparu, convoquant les autres sens pour l'interroger…
Son corps s'inscrit lui aussi dans une volonté de ne pas tout dévoiler d'une existence antérieure, d'un passé douloureux, d'une terre exsangue, éloignée à jamais d'elle. Que garder du Cambodge après l'innommable ? Des contours flous où l'humanité continuera simplement sa route…
 
Être ou ne pas être / NOELLA Réflexion sur l'exposition "Identités ARTiste"
"Ton premier plan m'attire, voilé, suggéré, la courbe inassouvie franchit les différents plans.
Les lignes s'affolent, s'enchevêtrent pour orchestrer des chorégraphies endiablées, dynamisées par de subtils jeux de lumière.Dans ce dédale de plans successifs, j'entends les sauts improvisés, les arabesques en devenir, les gestes inachevés m'intriguent, me questionnent. La scénographie de la gestuelle laisse la part belle à l'imaginaire. Le trait qui n'a de cesse de se dérouler, se défile, s'isole, se cache derrière des abris de calque.
Il s'échappe vers d'autres mises en scène pour redéfinir le mouvement perturbé.
Je papillonne d'un univers à l'autre, ma curiosité m'emmène vers ce qui fut l'infiniment petit. " (Isabelle Lemaire " Anômalia/symétria ")
Mon regard se pose sur ce que je crois être l'apothéose d'un bel ouvrage de haute couture. Un chef d'œuvre aux multiples possibilités.Serait-ce de la passementerie, toute de noir vêtue, la bakélite voluptueuse emprisonnerait d'hypothétiques fils de soie teintés, tissés, prêts à s'épanouir sur un tissu de questions ? (Loïc Person "Constellation")
L'invisible à mes yeux se dévoile, se métamorphose, germe et poussera peut-être dans le musée des curiosités. Derrière la porte des secrets, la fleur antique s'ennuyait, c'est alors que l'alchimie opère ! Le marcottage de façon numérique, donne naissance à des pétales bien singuliers, une géométrie contemporaine recomposée. Surtout, ne vous approchez pas de cet hybride gorgé de cire à la lueur du feu sacré ! Ses couleurs inventées fondraient, dégoulineraient dans un siècle révolu. (Fabien Noirot "sculptures numériques")
 
Quand les tableaux nous racontent une chanson d'amitié / AMEL
" Ce qui se voit ne peut être perçu par tout un chacun " exposent des artistes contemporains, telles que Linda Suthiry Suk, Sadia Bouaziz, Aykaz Arzumanyan, Pierre Olivier Balu, Nu Barreto, Claude Hassan, Ibrahim Jalal, Isabelle Lemaire, Oscar Lloveras, Mirza Moric, Fabien Noirot, Loïc Person et Rafif Rifai, regroupés sur la place de l'Appel du 18 juin 1940, en face de la mairie de Torcy...
Le point commun de tous ces artistes est de créer une pensée libre, et même une aventure musicale. Elle se raconte en feuilleton, chaque œuvre exposée en appelle une autre dans le cadre de l'exposition " Identités Artiste " par-delà les frontières des langues, des disciplines et des époques, à l'infini…
Depuis un an, Patricia Baud, photographe et Alain Bellet, écrivain historien, travaillent avec la MJC André Philip et l'OMAC (Office municipal d'animation de la Cité) sur le projet " Murmures et Bruit du monde ".
C'est un projet qui combine des visites de musées et des représentations artistiques. Ces rendez-vous me permettent de parler de culture et d'Art. De rencontrer aussi des mots fascinants hors les murs de la médiathèque ou de la Mission Locale. Ils apprennent à devenir citoyen, à sortir de son quotidien, à aller vers les autres pour retisser des liens humains.
Chacun de nous est unique et chacun de nous est porteur d'un métissage car nous avons tous en nous une multitude de cultures. Celle qui vient de notre famille, de nos amis, de l'école et de nos propres découvertes. Quelles que soient nos origines, nous sommes tous multiculturels. L'écrivain apprend à décoloniser nos imaginaires. Parler d'Art et de Culture, c'est parler d'énergies, d'émotions, de révoltes, de turbulences. De pluralité.
Les artistes exposés au Marché de l'Art arrivent à changer la donne. Ils ouvrent des pas de côtés et permettent à tout un chacun de distiller des parts de sa culture, elle-même plurielle, dans la culture commune.
Levons maintenant ce voile sur une toile de couleur rouge exposée en haut de l'escalier d'honneur de la Mairie. Un voile qui sépare deux mondes en totale opposition : l'un est régi par les us et coutumes et exclut toute possibilité pour un être de s'affirmer en tant qu'individu, hors du modèle social ; l'autre univers est fait de silence et de secrets, c'est le monde de la personne, au-delà des conventions.
Relevons ensemble, le voile sur ce monde ténébreux ; essayons d'y pénétrer et de parcourir quelques-uns de ses dédales.
L'artiste aux couleurs de soleil, originaire d'Alep, en Syrie est un peintre au talent reconnu. Son sourire ouvre la porte du monde. Il est comme un cerf-volant dans l'azur. Sa peinture me procure un bien-être à répétitions. Elle est le résultat de la dimension illimitée de son esprit créatif.
Il dit : " Je suis de là-bas. Je suis d'ici et je ne suis pas là-bas, ni ici. J'ai deux langues, mais j'ai oublié laquelle était celle de mes rêves. J'ai, pour parler le français, une langue au vocabulaire tolérant, et j'en ai une autre, venue des conversations du ciel ".
Le peintre dénonce un crime de guerre, une situation internationale épidermique, à fleur de peau. Son cri d'alarme est digne d'un grand Guernica ! J'entends les cris des enfants à travers des débris étouffants. Des victimes innocentes dans une guerre pire que celle de Sarajevo. Il exprime aussi son amour pour la Syrie. Et comme un rituel entre moi et l'artiste, je comprends sa colère enfouie sous tant de vexations, de déconvenues, de chutes en cours de route.
Sa main prolonge la mesure de son geste. Sa main explique la profondeur du reste. Sa main disserte la violence faite aux peuples syriens. Sa main discerne les maux arabes.
Dans un monde désorienté, c'est cette voie de l'émulation pour le bien commun, à laquelle nous invite l'ensemble des artistes. Qu'il me soit permis d'adresser toute ma reconnaissance à l'ensemble du service culturel d'Animation de la ville pour cette belle balade avec des peintres vivants.
Et pour reprendre les mots de Pablo Picasso : " le principal ennemi de la création c'est le bon sens ! "

Les fruits de la vallée/ MONIQUE
Cette année, Torcy a le projet de réhabiliter le quartier de l'Arche Guédon. La mairie de Torcy a déjà tenté à maintes reprises mais sans succès auprès des habitants du quartier. Pourtant toutes les infrastructures existent : la bibliothèque, la piscine, le petit théâtre, la mission de l'emploi, l'Omac la maison des jeunes et les commerçants de proximité : la boulangerie, la boucherie, le marchand de journaux, la pharmacie, la supérette et l'épicerie.
Un couple d'origine laotienne tenait une épicerie " Les fruits de la Vallée " dès la création du quartier de l'Arche Guédon. Un vieux couple de commerçants discret très gentil et serviable, témoin de l'évolution du quartier de la Mogotte ; ils maintiennent toujours l'épicerie " Les fruits de la Vallée ". Tous les enfants sont venus chez eux pour acheter des bonbons et autres produits pour leur famille. Maintenant ces enfants ont grandis et devenus père /mère de famille à leur tour. Ce couple a connu le marché de l'Arche Guédon ouvert autrefois devant la bibliothèque sur la place maintenant transformé en parking, cela a apporté de l'animation à la vie quotidienne du quartier, les Torcéens se retrouvaient autour des stands divers par leur originalité de produits présentés et parfois des forains s'installaient pour une semaine. Le marché animé et bien fourni attirait une clientèle bienveillante et la communauté organisait en fin d'année le carnaval pour les enfants ou des spectacles en plein air où chacun faisait connaissance avec son voisin. Les épiciers de " Fruits de la Vallée " avec les autres commerçants avaient un rôle fédérateur car les habitants venaient les consulter pour commenter les la vie du quartier, et ils s'occupaient également du comité des fêtes.
Fidèle à leur poste ce vieux couple d'épiciers transmet toujours l'image du commerce de quartier autour d'un " village" où chacun se connaît. C'est convivial et rassurant.
 
Autoportrait / KAMEL
Me voilà en étude personnelle.
Je m'imagine avoir passé le BAC et être à l'université de Champs-sur-Marne.
Ma spécialité serait l'électronique.
Je m'imagine donc à un niveau d'étude plus élevé qu'en ce moment-même.
Me voilà donc, à l'université, enfin, je parle dans l'imaginaire.
Je fais donc des études supérieures et j'en suis content.
Tout ceci, pour vous dire, que ce n'est qu'un rêve dont je m'emparerai plus.
Dire que je voulais devenir "ingénieur en télécommunication(s)".
 
La gare du RER / SYLVIE
Sur le damage un beau panneau indique Torcy. De long en large les habitués attendent en fumant cigarette ou nougat glacé. J'ai de très beaux écrans ou j'indique le lieu et le temps qui reste jusqu'à la prochaine arrivée d'une rame. Et la voici, déferlante de marée humaine qui pressée de rentrer chez eux ne regardent plus que la direction de l'escalier qui bouchonne à chaque fois, Je suis pourtant pourvue de magnifiques sièges ou attendent les visiteurs du parc de loisir de Disneyland. Tiens celui-ci a raté la marche qui monte, trop pressé de vouloir pénétrer dans mes entrailles ou je suis stationné. Les architectes ont prévu ça, et là des poubelles que les autorités ont condamnées en ces temps de terrorisme, il ne reste plus qu'à jeter ça, et là les mégots et autres détritus sur mon dos.
 
Portrait de ville Torcy et ses environs / COLETTE
Il a l'allure joviale et bonhomme.
" Bonjour, oui vous êtes là pour un projet participatif ; bon ben quoi dire ? "
Il cède la parole à une femme à sa droite.
" La ville de Torcy s'associe au Château de Champs sur Marne et à la ferme du Buisson pour créer des costumes qui serviront à un spectacle de cirque "
-Ah oui dit-il, le Cirquatomik ! Avec ce nom-là, ça va péter, pétarader, parader ! "
Il remet ses quelques cheveux en place sur son crâne et cède de nouveau la parole ; il s'est emballé et son bel enthousiasme est communicatif.
 
Déjà les personnes présentes ont envie de s'inscrire aux ateliers de création.
Il rit derrière ses moustaches
" Vous pourrez défiler aussi si vous voulez
-Mais comment fera-t-on les costumes ? demande une femme ? On amènera nos ciseaux, nos outils ?
Eh bien réponds le régisseur vous pourrez si vous voulez sinon c'est nous qui fournissons.
Est-ce qu'on pourra vous proposer des idées, s'emballe ma voisine et les belles moustaches s'animent d'un sourire moqueur.
Ah oui, robe capsules de bière, robe bulle, robe CD, quoi d'autre ?
Bon je vois que les idées fourmillent " et d'impatience il frétille
Vraiment ce personnage est un projet en lui-même ; et s'il défile à la ferme du Buisson en quoi sera-t-il déguisé ?
Monsieur c'est quoi votre nom déjà ?
 
Les mots justes, et la langue... /COLETTE
Aujourd'hui, je soussigné Gaston, ai rencontré Le Directeur des éditions Larousse, le créateur du dictionnaire qui porte son nom.
Eh oui, je ne sais pas très bien écrire, mais je sais tirebouchonner les mots et les phrases pour en tirer leur substantifique moelle !
Cela donne par exemple :
-" Bonjour Monsieur le Dirlo, avec quels mots vais-je jouer ce jour : de l'ectoplasme, du sparadrap, de la gomme arabique, des calembours ou des calembredaines ?
Et le Dirlo de répliquer :
-" Ah ça, Monsieur, je m'y oppose, vous n'allez pas triturer notre belle langue pour que des jeunes lecteurs inexpérimentés se gaussent de vos jeux de mots, très laids au demeurant !
Car le français, jeune homme, est la langue de Victor Hugo, l'heureux homme consacré, et la langue de Verlaine, et vous ne le saborderez pas ! Non, non et non ! Ma foi, si vous voulez vous moquer, alors choisissez le verlan car la langue à l'envers ce n'est pas la langue de Molière !
-" Si fait, Monsieur, j'y viens " dit Gaston, et ceci dit le faquin sortit de son chapeau magique une sorte de rimes :
" Oyez, oyez, messieurs les français,
Vous dire, je ne pourrai
Combien la langue qui m'est chère
Est riche, vraiment, peuchère !
Et le mot " langue " à l'envers
Devient " gueulant " et ça ne sonne
Que s'il y a le bon nombre de consonnes. "