-" Eléonor, Eléonor, qu'allons-nous devenir ? Cria mon petit frère.
Il me tendit un mouchoir et dit :
- Tu saignes de la tête.
Je le remerciai.
- Tu sais, petit, je te crois mais je ne me souviens de rien. Je ne sais même pas qui tu es, j'ai tellement mal au crâne.
- Tu ne me reconnais pas ?
Je fis non de la tête.
- Je suis Henri, ton petit frère ! Arrête, Grande Lélé, tu me fais peur..
- Je ne plaisante pas, dis-je, en fondant en larmes. Je ne sais qui tu es, je ne sais pas qui je suis, je ne sais plus rien de rien. Que se passe-t-il, ici ? Pourquoi ces cris ? Où vont-ils tous, là-bas, en courant dans la poussière et la boue ?
- Viens, Lélé, j'ai trop peur, il faut aller à la maison, notre mère te soignera.
 
Je me levai et nous partîmes tous les deux, main dans la main. Mes tempes battaient avec force, j'avais peur de me trouver mal. Je m'approchai d'un puits et lançai le seau. Je voulais rincer mes cheveux ensanglantés et ma blessure. C'est alors que je vis mon reflet au fond de l'eau. Le sang s'était répandu sur mes cheveux. Mon regard était vide.
 
Je n'avais plus de passé !
 
Henri me regardait tendrement. Je lui demandai :
- Que s'est-il passé sur le chantier ?
Il prit son souffle et lança :
- Les ouvriers travaillaient dans la tour Est. Ils étaient en train de poser la clef de voûte de la salle du premier étage, et Papa surveillait le chantier. Moi, je jouais sur le rempart avec Pierre, le fils de la Margot, la cuisinière. On a entendu un " poc ", comme un coup de canon ou une pierre qui tape contre le mur et tout s'est effondré. Ca a fait un bruit terrible ! Et puis plus rien. Et Papa est "
 
Henri pleurait à gros sanglots.