Jules venait d'avoir vingt-quatre ans deux mois auparavant. Il vivait heureux avec sa famille. Mais quelques jours plus tôt, une nouvelle avait changé sa vie. Quand il était au café pour lire le journal, il avait vu collé sur les murs une affiche. Il l'avait lue à haute voix :Tout Français soumis aux obligations militaires doit, sous peine d'êre puni avec toute la rigueur des lois, obéir aux prépositions du fascicule de Mobilisation. 
Choqué, affolé par cette nouvelle, le jeune homme rentra chez lui sans ses courses. Une fois à la maison, il n'osait pas l'annoncer à sa femme, mais il dut le faire quand même, il lui dit alors, mais loin de ses enfants :
- Chérie, je dois t'annoncer une terrible nouvelle,chuchota-t-il à voix basse.
- Oui, Jules, que se passe-t-il ? demanda-t-elle d'une voix faible et surprise à la fois.
- J'aurais aimé que cela n'arrive jamais, mais j'ai bien peur hélas, que cela soit bien vrai !
- Dis-moi, insista-t-elle, d'une voix affolée.
- Je dois partir à la guerre, rejoindre le 69° régiment de cavalerie...Je ne sais pas encore le temps que je vais rester là-bas...Il paraît que je suis enrôlé pour travailler sur la ferraille, les pelles, les pioches, les fers à cheval...déclara-t-il d'une voix triste.
Emue et triste sa femme partit dans sa chambre avec ses enfants pour les serrer dans ses bras. Jules fit ses valises avec peu de choses, emportant plusieurs photographies de sa famille. De son côé, son épouse de vingt-deux ans décida de quitter la région pour aller vers l'arrière. Ainsi, Jules partit à la guerre. Quelques jours plus tard il arriva près des lignes de combat et découvrit des milliers d'hommes en pantalons garance et vestes bleues. Il y avait beaucoup de travail, et la première journée, épuisé, le képi bleu de travers, le jeune soldat n'avait façonné pas moins de deux cents fers à cheval. Il avait vu de nombreux chevaux morts ainsi que des soldats sans vie, c'était un décor affreux !
 

Alors le premier soir, dans un campement de fortune, il écrivit une première lettre à sa famille, ignorant si sa femme était encore chez eux.

" Ma petite femme adorée, cela ne fait que quelques semaines que cette guerre a séparé nos coeurs, mais j'ai l'impression que cela fait une éternité. On m'a envoyé au front il y a seulement deux semaines, mais par chance, je m'occupe des chevaux à l'arrière des troupes. Cependant, même si je suis éloigné du lieu des massacres, j'entends les bruits et les cris horribles de la guerre. Les obus frappent le sol par milliers et j'ose imaginer le nombre de vies qu'ils éliminent. La terre tremble sous mes pieds à l'approche des soldats ennemis qui ne cessent d'arriver. Les conditions de vie sont terribles : on a froid, on a faim, on vit où l'on peut et on n'arrive pas à dormir. La nuit, je suis toujours avec toi, ma Régine..."
 

 

 

 

 

Régine arrive à la Gare de l'Est

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